
Et si on habitait autrement… sur l’eau ?
Face à la crise du logement, à l’érosion des berges, aux zones inondables et au désir de renouer avec la nature, une idée flotte doucement à la surface : la maison flottante. Utopie? Pas tant que ça. Avec ses 500 000 lacs et 12 % de son territoire couvert d’eau, le Québec aurait-il tout à gagner à se mouiller un peu?
Vivre sur l’eau, ce n’est pas nouveau. De l’Asie du Sud-Est au Bangladesh, des Pays-Bas à Portland, des communautés entières ont adopté ce mode de vie. Les Néerlandais, par exemple, dont 35 % du territoire est sous le niveau de la mer, ont transformé ce défi géographique en levier d’innovation. Depuis la Seconde Guerre mondiale, ils vivent sur l’eau comme d’autres vivent en banlieue.
Mais attention : une maison flottante n’est pas un bateau. Elle n’a pas de moteur et est solidement ancrée. Son ancrage, son raccordement à l’eau potable et à l’électricité, sa gestion des eaux usées, tout cela en fait une habitation à part entière, mais qui tangue doucement au rythme du vent.

Combien ça coûte, vivre sur l'eau?
Côté finances, vivre sur l’eau coûte en moyenne 8 à 16 % de plus qu’une maison terrestre équivalente. Et ce n’est pas le seul défi : la réglementation est encore floue dans bien des municipalités, les institutions financières hésitent à plonger, et vivre sur l’eau demande une réflexion écologique poussée. Loin de la consommation débridée, la maison flottante nous invite à gérer nos ressources et nos déchets avec une plus grande conscience environnementale.
Puis, il y a l’hiver. On ne va pas se mentir : composer avec la glace, le gel et le redoux, c’est tout un art. Mais les technologies existent et certaines maisons flottantes canadiennes affrontent déjà les hivers du nord avec courage et un bon système de chauffage.

Peut-on imaginer, ici, des quartiers flottants, façon marina résidentielle? Des regroupements d’habitations conçus avec un souci d’intégration environnementale, de beauté et pourquoi pas, de poésie? Après tout, ce n’est pas parce qu’une maison flotte qu’elle ne peut pas avoir les pieds sur terre, symboliquement, du moins.
Bien sûr, des questions résident : cohabitation avec les riverains, réglementation à définir, protection de la faune aquatique. Mais comme le dit joliment Tytti Sirola, fondateur de Bluet, une entreprise finlandaise spécialisée en solutions pour construction flottante : « Si vous avez une zone urbaine sans terrain, mais beaucoup d’eau, vous pouvez créer plus d’espace avec des infrastructures flottantes. Vous pouvez étendre l’eau. »

L'exemple des Pays-Bas
Au-delà de l’innovation, la maison flottante reflète un mode de vie. C’est une autre façon d’habiter : plus proche de la nature, plus calme, plus connectée à l’environnement immédiat. Dans certains pays, ce n’est pas un choix marginal, mais une culture à part entière.
Les Pays-Bas en sont l’exemple le plus abouti. Depuis la Seconde Guerre mondiale, ils ont développé massivement l’habitat flottant, utilisant notamment de vieilles péniches pour faire face à une pénurie de logements. Quand 35 % de votre territoire est sous le niveau de la mer, s’adapter à l’eau devient une forme de sagesse collective. IJburg, un quartier résidentiel d’Amsterdam, s’est développé afin de faire face à la montée des eaux. Le lieu est composé de 4 îles artificielles qui hébergeront, une fois le projet complété, environ 18 000 maisons.
Ailleurs dans le monde, plusieurs villes ont suivi le courant : Portland, Sausalito, Seattle, Hong Kong, des villes en Europe et même quelques endroits au Canada : à Toronto avec son projet Floating Homes, Vancouver ou Yellowknife, on compte déjà des petites communautés flottantes.
Et dans une époque où les inondations deviennent récurrentes, la maison flottante propose un rapport différent à l’espace, au quotidien, à soi. Ce n’est pas la solution à tous les maux, mais une manière ingénieuse de repenser notre lien au territoire. Une façon de répondre aux défis, tout en rêvant un peu.